11 septembre 2014

City Slang #1 (nouvelle).

Aden n'était pas un garçon comme les autres, mais pas seulement à cause de son prénom. Ces parents ne l'avaient pas choisi en honneur au poète Rimbaud, ni en référence au golfe, ni même par goût des voyages ou de l'exotisme. Non non, rien de tout ça. Simplement, Eden, c'était déjà pris. Ça faisait un peu catho, en gros. Alors Aden, après Jules et Martial, ses frères aînés, ça sonnait bien comme tout. A bientôt dix ans, le petit ne jurait que par la musique et les courts de Tennis. L'école? Il y allait sans plus, sans forcer son talent. Mais ses idoles s'appelaient Monfils, Djoko ou 16 Horsepower. Il avait tous les disques et ressemblait, blond comme lui, à leur leader, David Eugene Edward. En terre de rap, ça jurait un peu. Et personne, pas même ses deux frères, ne supportait ce genre de rock star. A la Madeleine, il fallait les casquettes et Eminem pour dormir tranquille. Et paraître un homme. Trop jeune, ses parents ne le laissaient pas fréquenter l'Abordage, la salle de rock du coin. Une fois par an, c'était deux jours de festival, avec ses cousins, mais rentré à minuit. Le Cadran aussi, parfois, pour Raphaël et Calogero. Aden s'ennuyait dans la vie. La Madeleine était un de ces quartiers où il n'y avait rien à foutre. Même les lascars, là-haut, respectaient leurs parents. Aden aussi. Seulement, le hip-hop, ça n'était pas son truc. Il aurait voulu devenir prof ou un truc du genre. Mais prof, pas éducateur. Alors, quand ses parents lui offrirent sa première guitare, pour ses dix ans, il décida de bosser comme un malade et, un jour, peut-être, de s'inscrire dans un cours. Il y avait bien une école à Evreux, proche du centre-ville, mais très, très, très classique. Lui préférait le Rock'n'Roll, ça tombait mal. Alors, il potassait sans relâche une méthode achetée au Forum, matin et soir, les week-ends et même les jours fériés. Il se levait une heure plus tôt, avant de partir pour l'école, et veillait tard le soir. Pour lui, c'était une passion. Pour sa mère, ça lui évitait de traîner et de faire des conneries dans la rue. Cool, donc. Jusqu'au jour où il écrivit sa première chanson, puis une autre, puis une autre encore et qu'il voulût les jouer en public. Seul ou accompagné, peu lui importait, à cette époque. Il traînait souvent avec son copain Etienne et sa copine Coco, son amoureuse, en fait, mais ils n'avaient encore jamais fait l'amour. Ni l'un, ni l'autre. Etienne? On savait pas vraiment mais son truc, c'était plutôt Zizou et le Real Madrid (pas de Madrid, il y tenait beaucoup). Il y avait Babette, Alfred et Zaza, qui fumaient de la beue toute la journée, mais ils étaient plus âgés, donc on les voyait pas trop. Des amis de ses frères, en somme. Jules, quinze ans et Martial, dix-huit, glandaient au bahut, au lycée tech et n'aimaient pas leur petit frère. Ils le trouvaient trop...nana. Leurs parents aussi, du reste, et le tennis, c'était surtout sur France 2 qu'il s’entraînait. Non, son truc, c'était le Rock, la Pop, le Folk aussi et un peu Massive Attack et Beat Assaillant. Mais la Techno...hum. Teufeur, plus tard, comme ses frangins? Non, merci, répondait-il, en lui-même, de manière catégorique. Il serait prof de guitare et qui sait...Jouer, un jour? En attendant, il rentrait au collège en Septembre et passerait deux mois à pratiquer ses arpèges. On verrait bien, après tout. Et Coco chez sa tante, à Abidjan, ça lui faisait des vacances. Que pouvait-il bien faire, à cette heure, ce grand amour de jeunesse? Elle n'avait pas appelé depuis deux jours, c'était louche. D'habitude, elle lui tenait la jambe des soirées entières. Mais là, rien du week-end. Aden se décidait à téléphoner.

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