11 septembre 2014
Les maqueraux #1 (nouvelle).
Dieu, à quarante cinq ans, avait raté sa vie. Il ne travaillait pas mais autour de lui, chacun avait sa petite prostituée, chanteuse, avocate ou ministre, frangine, parente ou bien mère de famille.
L'affaire tournait bien, merci, et les psychiatres avaient trouvé la clé pour nous faire chanter .
Même crevé, même mort, même sorti de l'impôt, même à 800 euros par mois, tu payais les taxes et la TVA. Les impôts de tes parents, en somme, et les crimes que tu n'avais pas commis.
Idem au boulot, trop jeune, t'y connaissais rien. Trop vieux : bon à jeter.
Christophe avait aimé la musique, le cinoche, la littérature, les arts, mais ne baisait jamais pour y arriver. Il passait donc pour une tanche, et on ne voulait de lui ni dans le métro ni même à la Fête de la Musique, gratos, sans les droits.
Sa musique passait en boucle sur Bandcamp, sur un blog, de même que tout son travail, et il continuait de jouer les naïfs en se disant que là n'était pas l' essentiel, qu'il lui fallait des amis, une scène où jouer, un public à ravir.
Ca n'avait jamais marché, il était donc rentré dans le bizness avec l'idée, pensait-il, de parler de musique au moins 5 minutes par jour.
Engagé par hasard chez ArtsCompany, il y avait gravi tous les échelons pendant dix ans jusqu'à devenir un genre de producteur branché mais intègre, connu et reconnu pour ses qualités professionnelles et n'enclenchant jamais la promotion canapé.
On le savait chanteur, ça en rajoutait à son charme.
Christophe était malheureux, sa vraie vie était sur scène et il n'aimait pas parler. Vous imaginez bien, alors, que dans ce genre de métiers il lui fallait user sa salive en commentaires de toutes sortes et voir tous ces artistes, comédiens, danseurs, musiciens et autres, s'éclater les baskets alors que lui faisait le sale boulot : public relations, en somme.
Sa vie était un enfer, et il tenait le coup grâce aux somnifères et aux tranquillisants.
Tout le monde avait sa petite salope, sauf lui, mais une petite voix qui lui disait qu'il n'était pas à sa place.
Il pleurait souvent, le soir, et croyait parler à Dieu, parfois, sans pour autant être sûr de le reconnaître. Il l'appelait à l'aide, et jouait donc de la guitare dans la lumière divine, mais seul, sans personne pour en profiter, dans sa chambre.
Passé une heure du matin.
Sa vie était triste.///
« -Je me souviens...Christophe...Mais il a trouvé un bon coup, ça a calmé ses ardeurs et il s'est mis à produire, à lancer des groupes, des chanteuses, des jeunes premiers.
On se voyait encore au début, et il disait à cette époque que sa copine le comblait, et que, donc, il pouvait rester zen dans son nouveau boulot. Elle s’appelait Claire, mais elle a vite disparue, et s'est installée à la place une certaine Adrienne qui à fait décoller la boite avec des méthodes de gangsters, et de proxénètes.
Claire n'a pas supporté que son jules traîne dans ce genre d'embrouille, ou plutôt fréquente ce genre de personnage. Même pour le travail. Quand elle est partie, curieusement, il n'a rien dit, rien laissé paraître, mais s'est complètement absorbé dans son nouveau job.
Avec la réussite que vous lui connaissez.
Mais de plus en plus seul , et un peu mystique, à ce qu'on dit de lui.
Je ne me permettrais pas de le recontacter pour vous, ce serait l'emmerder encore plus, lui rappeler combien nous étions heureux avant ça, toute cette bande de copain.
Je ne voudrais pas le déranger, ni le faire souffrir, car nous savons tous que c'est un vrai passionné.
Je suis désolée. »
Morgan lâcha son verre des yeux et les plongea dans ceux son interlocuteur du moment.
Pierre venait lui demander de rentrer en contact avec Christophe Gracile, de chez ArtsCompany afin de lui proposer une affaire. En vain.
« D'habitude, les jeunes loups dans votre genre ne viennent pas déranger une petite prof de piano, ils appellent le boss, Adrienne, son nom est connu et elle traîne à toutes vos soirées branchées .
Mais vous saviez donc que nous avons joué 6 ans en groupe, Christophe et moi, et d'autres aussi, à écumer les pubs et les fêtes de village, Paris et Province.
Mais on s'est planté et pour Chris, qui voulait tout trop tôt, ce fut le début de la fin...
Ou bien le commencement ?
Adieu, Monsieur Pierre dont j'ai oublié le nom, je ne peux rien faire pour vous. Adieu.
-Merci pour tout, je ne vous dérangerai plus. »///
Elle raccompagna cet intrus à la porte, repris un verre de Coca et savait qu'elle allait encore passer une nuit blanche à penser et penser encore aux fiestas de la jeunesse, avec Chris, avec Bob, avec tous les autres et que dés demain il faudrait supporter pour trois semaines ses deux jumeaux rappeurs, grossiers et mal habillés, que leur père lui donnait à garder en juillet.
Elle imaginait déjà la Coupe du Monde et toutes ces conneries, à la télé du matin au soir, et aussi Eminem au casque et les slogans de Joey Starr.
Elle aussi pleurait souvent sa jeunesse, et son avenir n'était pas brillant. On ne se voyait plus, on ne se parlait plus et le piano, d'une passion de jeunesse, était devenu un gagne-pain comme un autre, avec des élèves plus ou moins motivés.
Quel gâchis, mais où aller dans ces conditions...
Décidément, oui, quel gâchis.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire