18 juin 2013

Le regard d'un fils.

A la naissance de cet enfant aimé, Le seul que sa femme lui donna, Cet homme jamais ne se doutait, Qu'un soir la vie le mènerait dans les pas Des plus grands musiciens de la Terre, Ceux qui, aujourd'hui et naguère, Enchantaient le monde de leurs doigts. Son fils, aveugle, ne parlait toujours pas, Quand le père se mit à la mesure, Lui qui, alors, pour toute armure, N'avait connu que du bureau les joies Et mesquineries du quotidien: Une vie d'esclave, sans fin. Alors, il apprit la guitare, Et se mit même à chantonner, Lorsque son fils, tard le soir, Apprenait à se diriger. Et quant l'un révisait le braille, Et comment éduquer un chien, L'autre jouait chaque soir, vaille que vaille, Et triomphait devant les siens. Mais un jour, l'enfant vint à mourir, Renversé par un inconscient, Qui, pour son unique plaisir, Prenait les routes à contre-sens. Et le père, le chien et la famille entière, Accablés par ce deuil soudain, Perdirent l'art et la manière, De danser du soir au matin. Alors, lorsque le chien changea de maître, Et que le mère, dans un soupir, Mourut sans demander son reste, Les chants, les joies, les nuits de fête S'effacèrent comme un souvenir. Le père, abscent à lui-même et pleurant Le fils qu'on lui enlevait méchamment, Reprit le travail de bureau Et plus jamais ne parcourut, Les gammes qui lui tournaient le dos.

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